Idéaux d’un anneau
Dans un anneau $(R, +, *)$, un idéal est une partie $I \subset R$ qui forme un sous-groupe additif de $R$ et qui possède une propriété clé: multiplier un élément de $I$ par un élément quelconque de l’anneau doit ramener dans $I$. Plus précisément, pour tout $i \in I$ et tout $r \in R$, on demande que $$ i \cdot r \in I $$ ou que $$ r \cdot i \in I $$. Si seule la première condition est vérifiée, on parle d’idéal à droite. Si seule la seconde l’est, il s’agit d’un idéal à gauche.
Lorsque les deux propriétés sont remplies, $I$ est un idéal bilatéral. Dans un anneau commutatif, cette distinction disparaît. On utilise simplement le mot idéal.
Remarque: Tout idéal à gauche ou à droite est automatiquement un sous-anneau. En revanche, l’inverse n’est pas vrai: un sous-anneau n’est pas nécessairement un idéal.
Exemples essentiels
Exemple 1
Partons d’un anneau familier: les entiers.
$$ ( \mathbb{Z}, +, * ) $$
L’ensemble des entiers pairs $P$ forme un idéal de cet anneau commutatif. La raison est simple: multiplier un entier pair par n’importe quel entier donne toujours un entier pair.
$$ \forall \ p \in P, \ \forall \ z \in \mathbb{Z}, \quad p \cdot z = z \cdot p \in P $$
En outre, $P$ est un sous-groupe additif: il est stable pour l’addition, contient $0$ et chaque élément pair a son opposé dans l’ensemble.
Exemple 2
Pour tout entier naturel $n$, l’ensemble des multiples de $n$ constitue aussi un idéal:
$$ n \mathbb{Z} = \{ kz \mid k \in \mathbb{Z} \} $$
Par exemple, pour $n = 2$:
$$ 2 \mathbb{Z} = \{ \dots, -8, -6, -4, -2, \ 0, \ 2, \ 4, \ 6, \ 8, \dots \} $$
Comme précédemment, cet ensemble est un groupe additif et il est stable par multiplication par n’importe quel entier. Il s’agit donc bien d’un idéal de $(\mathbb{Z}, +, *)$.
Exemple 3
Considérons maintenant les matrices carrées. L’ensemble des matrices dont la dernière colonne est nulle est un idéal à gauche dans l’anneau de toutes les matrices $n \times n$. En revanche, cet ensemble n’est pas un idéal à droite.
Par exemple, pour les matrices $2 \times 2$: $$ M_2 = \begin{pmatrix} a & b \\ c & d \end{pmatrix} $$ et $$ M'_2 = \begin{pmatrix} e & 0 \\ f & 0 \end{pmatrix} $$. Le produit $$ M_2 \cdot M'_2 = \begin{pmatrix} ae + bf & 0 \\ ce + df & 0 \end{pmatrix} $$ reste dans $M'_2$. En revanche, $$ M'_2 \cdot M_2 = \begin{pmatrix} ae & eb \\ af & fb \end{pmatrix} $$ n’a généralement pas sa dernière colonne nulle. Cela montre bien que $M'_2$ n’est pas un idéal à droite.
Exemple 4
Passons aux polynômes. Dans l’anneau $K[x]$ des polynômes à coefficients réels, l’ensemble des polynômes dont le terme constant est nul s’appelle $K_0[x]$. Cet ensemble constitue un idéal.
- On a clairement: $$ K_0[x] \subset K[x]. $$
- $K_0[x]$ est un sous-groupe additif: il est stable pour l’addition, contient le polynôme nul et possède les inverses additifs.
- Multiplier un polynôme quelconque par un polynôme de $K_0[x]$ donne toujours un polynôme dont le terme constant reste nul.
Exemple: $$ x^2 + 1 \in K[x], \qquad x^2 + x \in K_0[x]. $$ Leur produit est: $$ (x^2 + 1)(x^2 + x) = x^4 + x^3 + x^2 + x \in K_0[x]. $$
On en conclut que $K_0[x]$ est un idéal de $(P, +, *)$.
Idéaux triviaux
Chaque anneau $(R, +, *)$ possède deux idéaux dits triviaux: l’ensemble réduit à $\{0\}$ et l’anneau complet $R$.
Exemple
Dans l’anneau commutatif des réels:
$$ ( \mathbb{R}, +, * ) $$
Les idéaux triviaux sont:
- $R$ lui-même, toujours idéal car il est stable pour l’addition et la multiplication.
- $\{0\}$, qui satisfait automatiquement toutes les propriétés attendues.
Pour aller plus loin
Les idéaux jouent un rôle central en algèbre, notamment dans l’étude des homomorphismes. Un résultat fondamental est le suivant.
- Le noyau (Ker φ) d’un homomorphisme d’anneaux est toujours un idéal bilatéral.
Justification: Pour tout $k \in \text{Ker} \ \phi$ et tout $r \in R$: $$ \phi(k) \cdot \phi(r) = 0 \cdot \phi(r) = 0, \qquad \phi(r) \cdot \phi(k) = \phi(r) \cdot 0 = 0. $$ Ainsi, le noyau est stable par multiplication à gauche et à droite.
Les idéaux fournissent les bases de nombreuses constructions en algèbre moderne, notamment les quotients d’anneaux et les théorèmes structurels. Leur étude ouvre la porte à toute une théorie riche et largement utilisée.