Quatre-Vecteurs
Un quatre-vecteur est un objet mathématique à quatre composantes, qui se transforment selon les règles des transformations de Lorentz : $$ a^\mu = (a^0, a^1, a^2, a^3) $$.
C’est l’outil formel qui permet d’exprimer les lois de la physique sous une forme covariante, c’est-à-dire identique pour tous les observateurs inertiels.
Les quatre-vecteurs se transforment exactement comme les coordonnées d’espace-temps lors d’une transformation de Lorentz.
On distingue deux types de quatre-vecteurs :
- Contravariants
Les composantes contravariantes $ a^\mu $ (indices supérieurs) correspondent à des déplacements ou à des vecteurs géométriques. Elles appartiennent directement à l’espace vectoriel. Ce sont les composantes habituelles d’un vecteur, comme les coordonnées espace-temps : $$ x^\mu = (x^0, x^1, x^2, x^3) = (ct, x, y, z) $$. On les dit contravariantes car elles évoluent de manière opposée aux coordonnées. Par exemple, si l’axe $x$ est étiré d’un facteur deux (rééchelonnement), les composantes contravariantes sont divisées par deux, de façon à compenser cette transformation. - Covariants
Les composantes covariantes $ a_\mu $ (indices inférieurs) sont associées aux gradients ou aux formes linéaires. Elles appartiennent à l’espace dual, c’est-à-dire l’espace des fonctionnels linéaires qui agissent sur les vecteurs. Il ne s’agit pas de « nouvelles coordonnées », mais de la même information exprimée en version duale, avec des signes adaptés à la métrique. Dans l’espace de Minkowski : $$ x_0 = +x^0, \quad x_1 = -x^1, \quad x_2 = -x^2, \quad x_3 = -x^3 $$ d’où $$ x_\mu = (x^0, -x^1, -x^2, -x^3) = (ct, -x, -y, -z). $$
Le produit scalaire entre un vecteur covariant et un vecteur contravariant constitue un invariant de Lorentz, c’est-à-dire une quantité qui conserve la même valeur dans tout référentiel inertiel :
$$ x^\mu x_\mu = (x^0, x^1, x^2, x^3) \cdot (x^0, -x^1, -x^2, -x^3) $$
$$ x^\mu x_\mu = x^0 \cdot x_0 + x^1 \cdot x_1 + x^2 \cdot x_2 + x^3 \cdot x_3 $$
$$ x^\mu x_\mu = (x^0)^2 - (x^1)^2 - (x^2)^2 - (x^3)^2 $$
Cette expression ne correspond pas à une « norme » au sens euclidien, mais à l’intervalle espace-temps : la mesure relativiste de la séparation entre événements, identique pour tous les observateurs.
Cette grandeur est appelée intervalle espace-temps au carré :
$$ s^2 = (ct)^2 - x^2 - y^2 - z^2 $$
Le signe de $ s^2 $ détermine la nature de la séparation entre deux événements :
- Si $ s^2 > 0 $, la séparation est de type temporel : les événements peuvent être reliés par une particule se déplaçant à une vitesse inférieure à celle de la lumière. Un événement peut influencer l’autre ; seule la durée les sépare.
- Si $ s^2 = 0 $, la séparation est de type lumineux : les événements sont reliés par un signal lumineux. Dans ce cas aussi, un événement peut agir sur l’autre, mais l’information se propage à la vitesse de la lumière.
- Si $ s^2 < 0 $, la séparation est de type spatial : aucun lien causal n’est possible, car il faudrait se déplacer plus vite que la lumière.
Ainsi, la formule $ x^\mu x_\mu = (ct)^2 - x^2 - y^2 - z^2 $ résume l’intervalle espace-temps - la « distance » relativiste entre événements - qui reste invariant pour tout observateur.
Remarque. Il s’agit de l’équivalent relativiste de la distance euclidienne : une grandeur invariante, donc identique pour tous les observateurs inertiels.
Un Exemple Concret
Supposons qu’un signal parte de l’origine à $t=0$ et qu’au bout de 2 secondes, il soit détecté en un point de l’axe $x$ à $3 \times 10^8 \,\text{m}$ - soit environ un dixième d’année-lumière, la distance parcourue par la lumière en une seconde.
Pour simplifier, fixons les autres coordonnées spatiales : $y=0$ et $z=0$.
Les coordonnées contravariantes de l’événement sont :
$$ x^\mu = (ct, x, y, z) = (6 \times 10^8, 3 \times 10^8, 0, 0). $$
D’où :
- $x^0 = ct = 6 \times 10^8 \,\text{m}$
- $x^1 = x = 3 \times 10^8 \,\text{m}$
- $x^2 = 0 $
- $x^3 = 0$
On abaisse ensuite l’indice en appliquant la métrique $g_{\mu\nu} = \mathrm{diag}(1,-1,-1,-1)$ :
- $x_0 = +x^0 = 6 \times 10^8$
- $x_1 = -x^1 = -3 \times 10^8$
- $x_2 = -x^2 = 0$
- $x_3 = -x^3 = 0$
On obtient ainsi le quatre-vecteur covariant :
$$ x_\mu = (6 \times 10^8, -3 \times 10^8, 0, 0). $$
Qu’est-ce qui change ? La composante temporelle reste inchangée, tandis que les composantes spatiales changent de signe : c’est l’effet caractéristique de la métrique de Minkowski.
Calculons maintenant le produit scalaire des vecteurs contravariant et covariant, qui donne l’intervalle espace-temps au carré :
$$ s^2 = x^\mu x_\mu $$
$$ s^2 = (6 \times 10^8)^2 - (3 \times 10^8)^2 $$
$$ s^2 = 2.7 \times 10^{17} $$
Le résultat est positif : la séparation est donc de type temporel.
Cela signifie qu’entre l’origine et l’événement, la séparation est dominée par la dimension temporelle. Autrement dit, un observateur physique se déplaçant à une vitesse inférieure à celle de la lumière pourrait effectivement relier ces deux événements.
Types de Quatre-Vecteurs
En pratique, on emploie différents types de quatre-vecteurs :
- Quatre-position : $$ x^\mu = (ct, x, y, z) $$
- Quatre-déplacement : $$ \Delta x^\mu = (c\Delta t, \Delta x, \Delta y, \Delta z) $$
- Quatre-vitesse : $$ u^\mu = \dfrac{dx^\mu}{d\tau} $$
- Quatre-moment : $$ p^\mu = m u^\mu = \left(\tfrac{E}{c}, \vec{p}\right) $$
- Quatre-force : $$ F^\mu = \dfrac{dp^\mu}{d\tau} $$
- Quatre-courant : $$ J^\mu = (c\rho, \vec{J}) $$
- Quatre-potentiel : $$ A^\mu = (\phi, \vec{A}) $$
Et bien d’autres encore.