Quantité de mouvement relativiste
La quantité de mouvement relativiste (également appelée moment relativiste dans certains ouvrages) est définie par : $$ \vec{p} = \gamma m \vec{v} $$ où $ \gamma $ désigne le facteur de Lorentz, $$ \gamma = \frac{1}{\sqrt{1 - v^2/c^2}} $$
Cette relation, $ \vec{p} = \gamma m \vec{v} $, généralise la définition classique de la quantité de mouvement ($ \vec{p} = m\vec{v} $) en y intégrant les effets décrits par la théorie de la relativité restreinte d’Einstein. Dans ce cadre, on parle de quantité de mouvement relativiste.
Le facteur de Lorentz $ \gamma = \frac{1}{\sqrt{1 - v^2/c^2}} $ croît très rapidement lorsque la vitesse $ v $ s’approche de celle de la lumière $ c $.
Bien que la masse au repos $ m $ demeure constante, la quantité de mouvement relativiste $ \vec{p} = \gamma m \vec{v} $ augmente fortement avec la vitesse, et tend vers l’infini lorsque $ v \to c $.
C’est la raison pour laquelle aucun corps possédant une masse ne peut atteindre ni, a fortiori, dépasser la vitesse de la lumière : cela nécessiterait une énergie infinie.
$$ E^2 = p^2 c^2 + m^2 c^4 $$
Dans cette formulation relativiste, la quantité de mouvement se conserve dans tous les référentiels inertiels, conformément au principe de relativité.
Remarque. La quantité de mouvement relativiste $ \vec{p} = \gamma m \vec{v} $ correspond à la composante spatiale du quadri-vecteur énergie-impulsion : $$ P^\mu = (\gamma m c, \gamma m \vec{v}) = (\gamma m c, \gamma m v_x , \gamma m v_y , \gamma m v_z ) $$ Ce quadri-vecteur unifie l’énergie et la quantité de mouvement au sein d’une seule grandeur invariante, garantissant la conservation simultanée de ces deux grandeurs dans tout référentiel inertiel.
Explication et déduction
En mécanique classique, la quantité de mouvement (ou impulsion linéaire) se définit comme le produit de la masse par la vitesse :
$$ \vec{p} = m \vec{v} $$
Cependant, cette expression n’est pas invariante d’un référentiel inertiel à un autre, c’est-à-dire entre observateurs en mouvement relatif uniforme.
La définition classique cesse d’être valable à des vitesses proches de celle de la lumière ($ c $), lorsque l’espace et le temps cessent d’être absolus et deviennent des grandeurs interdépendantes.
Pour rester cohérente avec les transformations de Lorentz, la quantité de mouvement doit être redéfinie de manière à se transformer correctement pour tous les observateurs inertiels.
Dans le cadre de la relativité restreinte, la quantité de mouvement fait partie d’une entité unique à quatre dimensions : le quadri-vecteur énergie-impulsion :
$$ P^\mu = m U^\mu $$
Ici, $ m $ désigne la masse invariante (ou masse au repos) du corps, et $ U^\mu $ le quadri-vecteur vitesse :
$$ U^\mu = (\gamma c, \gamma \vec{v}) = (\gamma c,\, \gamma v_x,\, \gamma v_y,\, \gamma v_z)\, $$
On obtient ainsi :
$$ P^\mu = m U^\mu = m\, (\gamma c, \gamma \vec{v}) $$
$$ P^\mu = (\gamma m c, \gamma m \vec{v}) $$
$$ P^\mu = (\gamma m c, \gamma m v_x , \gamma m v_y , \gamma m v_z ) $$
La composante temporelle $ P^0 = \gamma m c $ du quadri-vecteur correspond à l’énergie totale $ E = \gamma m c^2 $ divisée par $ c $ :
$$ P^0 = \frac{E}{c} = \frac{\gamma m c^2}{c} = \gamma m c $$
Les composantes spatiales $ P^i = \gamma m v_i $ représentent la quantité de mouvement relativiste :
$$ \vec{p} = \gamma m \vec{v} $$
Cette définition garantit que la quantité de mouvement se transforme de façon cohérente entre tous les référentiels inertiels et que la loi de conservation de la quantité de mouvement reste valable.
Cas limites
Dans la limite non relativiste, lorsque la vitesse $ v $ est très inférieure à celle de la lumière ($ v \ll c $), le facteur de Lorentz tend vers l’unité ($ \gamma \approx 1 $), et la quantité de mouvement relativiste se réduit à l’expression classique habituelle :
$$ \vec{p} \approx m\vec{v} $$
Dans la limite relativiste, à mesure que la vitesse $ v $ se rapproche de $ c $, le facteur de Lorentz croît sans limite ($ \gamma \to \infty $), ce qui provoque une augmentation indéfinie de la quantité de mouvement, même si la vitesse elle-même ne peut jamais atteindre $ c $.
Relation entre énergie et quantité de mouvement
Le quadri-vecteur de quantité de mouvement contravariant se définit par :
$$ P^\mu = (\gamma m c, \gamma m \vec{v}) = (\gamma m c, \gamma m v_x, \gamma m v_y, \gamma m v_z) $$
Pour obtenir sa forme covariante, $ P_\mu = (\gamma m c, -\gamma m \vec{v}) $, on applique la métrique de Minkowski, de signature $(+,-,-,-)$ :
$$ P_\mu = g_{\mu\nu} P^\nu $$
$$ P_\mu = \begin{pmatrix} 1 & 0 & 0 & 0 \\ 0 & -1 & 0 & 0 \\ 0 & 0 & -1 & 0 \\ 0 & 0 & 0 & -1 \end{pmatrix} P^\nu = \begin{pmatrix} 1 & 0 & 0 & 0 \\ 0 & -1 & 0 & 0 \\ 0 & 0 & -1 & 0 \\ 0 & 0 & 0 & -1 \end{pmatrix} (\gamma m c, \gamma m v_x, \gamma m v_y, \gamma m v_z) $$
$$ P_\mu = (\gamma m c, -\gamma m v_x, -\gamma m v_y, -\gamma m v_z) $$
Le produit scalaire entre les formes covariante et contravariante du quadri-moment s’écrit :
$$ P^\mu P_\mu = (\gamma m c)^2 - (\gamma m v_x)^2 - (\gamma m v_y)^2 - (\gamma m v_z)^2 = \gamma^2 m^2 (c^2 - v^2) $$
Étant donné que le facteur de Lorentz vaut $ \gamma = \frac{1}{\sqrt{1 - \frac{v^2}{c^2}}} $, on obtient :
$$ P^\mu P_\mu = m^2 \frac{c^2 - v^2}{1 - \frac{v^2}{c^2}} = m^2 \frac{c^2 - v^2}{\frac{c^2 - v^2}{c^2}} = m^2 c^2 $$
On montre ainsi que le produit scalaire est invariant de Lorentz : sa valeur reste identique dans tous les référentiels inertiels.
En reprenant l’expression initiale :
$$ P^\mu P_\mu = (\gamma m c)^2 - \gamma^2 m^2 v^2 $$
et en notant que $ \gamma m c = \frac{E}{c} $, on a :
$$ P^\mu P_\mu = \frac{E^2}{c^2} - \gamma^2 m^2 v^2 $$
En utilisant l’invariance $ P^\mu P_\mu = m^2 c^2 $, il vient :
$$ m^2 c^2 = \frac{E^2}{c^2} - \gamma^2 m^2 v^2 $$
En multipliant par $ c^2 $, on obtient :
$$ m^2 c^4 = E^2 - \gamma^2 m^2 v^2 c^2 $$
$$ m^2 c^4 = E^2 - (\gamma m v)^2 c^2 $$
Comme $ \vec{p} = \gamma m \vec{v} $, de norme $ |\vec{p}| = \gamma m v $, on retrouve :
$$ E^2 = m^2 c^4 + p^2 c^2 $$
Il s’agit de la relation fondamentale entre l’énergie et la quantité de mouvement, une équation invariante de Lorentz.
Le terme $ m^2 c^4 $ représente l’énergie de repos $ E_0 = m c^2 $, tandis que $ p^2 c^2 $ traduit la contribution cinétique due au mouvement. Leur somme donne l’énergie totale d’une particule relativiste.
Cas limites
L’équation générale $ E^2 = p^2 c^2 + m^2 c^4 $ s’applique aussi bien aux particules massives qu’aux particules sans masse. Examinons deux situations typiques :
- Particule massive au repos
Lorsqu’une particule est au repos par rapport à l’observateur ($ p = 0 $), la relation devient :
$$ E^2 = m^2 c^4 $$ $$ E = m c^2 $$ Dans ce cas, l’énergie totale coïncide avec l’énergie de repos $ E_0 $, c’est-à-dire l’énergie intrinsèque qu’un corps possède même sans mouvement - la fameuse équation d’Einstein. - Particule sans masse (par exemple un photon)
Pour une particule dépourvue de masse ($ m = 0 $), l’équation se réduit à :
$$ E^2 = p^2 c^2 $$ $$ E = p c $$ Cette relation s’applique aux photons et à toutes les particules sans masse, qui ne peuvent jamais être au repos et se déplacent toujours à la vitesse de la lumière $ c $. Leur énergie dépend exclusivement de leur quantité de mouvement, ou, de manière équivalente, de leur fréquence :
$$ E = h\nu = \frac{h c}{\lambda} $$
Ces deux cas limites illustrent comment la relation relativiste entre énergie et quantité de mouvement unifie la dynamique de la matière et du rayonnement dans un même cadre conceptuel. Pour les particules massives, elle reproduit l’énergie de repos $ E_0 = m c^2 $; pour les particules sans masse, elle décrit une énergie purement cinétique, associée à leur propagation à la vitesse de la lumière. Dans les deux cas, énergie et quantité de mouvement demeurent liées par une même loi invariante de Lorentz, valable pour tous les observateurs dans tout référentiel inertiel.
Exemple numérique
Considérons une particule de masse $ m = 1\ \text{kg} $ se déplaçant à la vitesse $ v = 0.6c $.
Le facteur de Lorentz vaut :
$$ \gamma = \frac{1}{\sqrt{1 - (0.6c)^2 / c^2}} = 1.25 $$
Le moment de la particule est :
$$ p = \gamma m v = 1.25 \times 1\ \text{kg} \times 0.6c = 0.75\,\text{kg} \cdot c $$
En prenant $ c = 3\times10^8\ \text{m/s} $ (soit environ 300 000 km/s) :
$$ p = 0.75\ \text{kg} \times 3 \times 10^8\ \text{m/s} = 2.25 \times 10^8\ \text{kg·m/s} $$
L’énergie totale vaut :
$$ E = \gamma m c^2 = 1.25 \times 1\ \text{kg} \times (3\times10^8\ \text{m/s})^2 $$
$$ E = 1.25 \times 9\times10^{16}\ \text{J} = 1.125 \times10^{17}\ \text{J} $$
Cet exemple numérique met en évidence la cohérence interne de la relation énergie-quantité de mouvement relativiste et montre comment ces deux grandeurs croissent simultanément à mesure que la vitesse s’approche de la limite imposée par la lumière.