Le centre d’un groupe
Le centre d'un groupe $(G,*)$ est le sous-ensemble Z(G) constitué de tous les éléments $z \in G$ qui commutent avec chaque élément $g \in G$ sous l'opération du groupe. En d'autres termes: $$Z(G) = \{z \in G \ | \ z*g = g*z \ \ \forall \ g \in G\}$$.
Lorsqu'il n'est pas vide, le centre forme un sous-groupe de \(G\), car il vérifie toutes les propriétés nécessaires pour être lui-même un groupe. De plus, il est toujours abélien, puisque ses éléments commutent entre eux.
Remarque: Dans tout groupe abélien, le centre coïncide avec le groupe entier. Par exemple, pour $(\mathbb{Z},+)$, on a Z(G) = $(\mathbb{Z},+)$.
Exemple concret
Pour mieux comprendre cette idée, considérons le groupe G des permutations * sur l'ensemble {1,2,3}.
Ce groupe $(G,*)$ contient six permutations:
e = (), l'identité
(12), échange de 1 et 2
(13), échange de 1 et 3
(23), échange de 2 et 3
(123), cycle 1 → 2, 2 → 3, 3 → 1
(132), cycle 1 → 3, 3 → 2, 2 → 1
Notre objectif est de repérer quelles permutations commutent avec toutes les autres. Cet exemple est intéressant, car dans les permutations, l'ordre des opérations change le résultat final.
Par exemple:
$$ (12)*(23) = (132) $$
Explication: En partant de 123, la permutation (23), appliquée en premier parce qu'elle est à droite, échange les deuxième et troisième positions et donne 132. Ensuite, (12) échange les première et deuxième positions et l'on obtient 312. En notation cyclique, cela correspond à (132).
Remarque: Comme pour les fonctions, la permutation de droite est toujours appliquée en premier.
Si l'on inverse l'ordre, on obtient un résultat différent:
$$ (23)*(12) = (123) $$
Explication: À partir de 123, la permutation (12) donne 213, puis (23) transforme 213 en 231. En notation cyclique, on obtient (123).
Ainsi:
$$ (12)*(23) \ne (23)*(12) $$
Les deux permutations ne commutent donc pas. Pour analyser le groupe dans son ensemble, il est utile d'examiner son tableau de composition.
| e | (12) | (13) | (23) | (123) | (132) | |
|---|---|---|---|---|---|---|
| e | e | (12) | (13) | (23) | (123) | (132) |
| (12) | (12) | e | (123) | (132) | (13) | (23) |
| (13) | (13) | (132) | e | (123) | (23) | (12) |
| (23) | (23) | (123) | (132) | e | (12) | (13) |
| (123) | (123) | (23) | (12) | (13) | (132) | e |
| (132) | (132) | (13) | (23) | (12) | e | (123) |
Ce tableau montre que la composition de deux permutations du groupe est toujours une permutation du même ensemble, ce qui confirme qu'il s'agit bien d'un groupe.
- La première ligne et la première colonne correspondent à l'élément identité \(e\), qui ne modifie jamais le résultat.
- Les autres cases donnent le résultat de toutes les combinaisons possibles.
Par exemple, l'intersection de la ligne (12) et de la colonne (13) donne (123).
On voit clairement que la seule permutation qui commute avec toutes les autres est l'identité \(e\).
Le centre du groupe G est donc:
$$ Z(G) = \{ e \} $$
Le centre se réduit ici à la permutation identité, ce qui est typique des groupes non abéliens.
Remarque: Dans de nombreux groupes non abéliens, le centre est très limité et se résume souvent à l'élément neutre.
Exemple 2
Considérons maintenant le groupe additif \( (\mathbb{Z}, +) \), c'est-à-dire l'ensemble des entiers muni de l'addition.
Cette opération est naturellement commutative: pour tous entiers \(a\) et \(b\), on a \(a + b = b + a\). Chaque élément commute donc avec tous les autres.
On en déduit que le centre de \( (\mathbb{Z}, +) \) coïncide avec l'ensemble tout entier \( \mathbb{Z} \). En effet, tous ses éléments vérifient la condition fondamentale du centre: commuter avec tous les éléments du groupe.
$$ Z(\mathbb{Z}, +) = \mathbb{Z} $$
Plus généralement, dans tout groupe abélien, le centre est toujours le groupe lui-même, puisque la commutativité y est universelle.
Pourquoi le centre d'un groupe est toujours un sous-groupe
Dans tout groupe $ ( G, * ) $, le centre $ Z(G) $ forme nécessairement un sous-groupe de \( G \).
Ce résultat est une conséquence directe des propriétés qui caractérisent les éléments du centre.
Démonstration
Pour qu'un sous-ensemble soit un sous-groupe, trois conditions doivent être vérifiées. L'associativité étant déjà garantie par la structure de groupe, il suffit d'établir la présence de l'élément neutre, la stabilité par l'opération et l'existence d'inverses au sein du centre.
- L'élément neutre appartient au centre
L'élément neutre $e$ commute avec tout élément du groupe, car il ne modifie jamais le résultat de l'opération. On a donc: $$ e*g = g*e \ \ \ \forall \ g \in G $$ ce qui signifie que $e \in Z(G)$. - Le centre est stable par l'opération du groupe
Si \(a\) et \(b\) appartiennent à \(Z(G)\), alors pour tout \(g \in G\): $$ a*g = g*a \quad \text{et} \quad b*g = g*b $$. Pour démontrer que \(ab \in Z(G)\), il suffit de vérifier: $$ g(ab) = (ab)g $$ En appliquant successivement commutativité et associativité, on obtient: $$ g(ab) = (ga)b = (ag)b = a(gb) = a(bg) = (ab)g $$ Le centre est donc stable par l'opération. - Les inverses restent dans le centre
Soit \(a \in Z(G)\). Par définition, \( ag = ga \ \ \forall g \in G \). Montrons que son inverse \(a^{-1}\) commute lui aussi avec tout \(g\). Une manipulation algébrique donne: $$ g = a^{-1}ga $$ puis $$ g a^{-1} = a^{-1} g $$ Ce qui prouve que \( a^{-1} \in Z(G) \).
Le centre vérifie donc toutes les propriétés nécessaires: il contient l'élément neutre, il est fermé pour l'opération du groupe et chaque élément possède son inverse dans le centre. On peut conclure que $ Z(G) $ est bien un sous-groupe de $ G $.