Espace Métrique
Qu’est-ce qu’un espace métrique ?
Un espace métrique est un couple \( (X, d) \), où \( X \) est un ensemble et \( d \) une application (appelée métrique) qui associe à chaque paire de points \( x, y \in X \) un réel positif ou nul, noté \( d(x, y) \), représentant la distance entre \( x \) et \( y \). Cette structure se note usuellement \( (X, d) \). $$ (X,d) $$
Pour qu’une fonction soit une métrique, elle doit satisfaire les propriétés suivantes :
- Non-négativité : \( d(x, y) \geq 0 \) pour tout \( x, y \in X \), et \( d(x, y) = 0 \) si et seulement si \( x = y \) ; autrement dit, la distance d’un point à lui-même est nulle, et strictement positive entre deux points distincts.
- Symétrie : \( d(x, y) = d(y, x) \) pour tout \( x, y \in X \) ; la distance reste inchangée lorsqu’on permute les points.
- Inegalité triangulaire : \( d(x, y) + d(y, z) \geq d(x, z) \) pour tous \( x, y, z \in X \) ; autrement dit, le chemin direct entre deux points n’excède jamais la somme des distances passant par un troisième point.
En termes simples, un espace métrique fournit un cadre mathématique permettant de mesurer des distances au sein d’un ensemble. Il rend possible l’étude rigoureuse de concepts fondamentaux comme la continuité, la convergence ou la compacité.
Autrement dit, un espace métrique, c’est simplement un ensemble \( X \) muni d’une fonction de distance \( d \).
Ce cadre peut aller d’un simple ensemble discret de points à un espace vectoriel de dimension infinie.
Un exemple concret
L’un des exemples les plus classiques d’espace métrique est l’espace euclidien \( \mathbb{R}^n \), c’est-à-dire l’ensemble des points du plan (lorsque \( n = 2 \)) ou de l’espace tridimensionnel (lorsque \( n = 3 \)).
Considérons \( \mathbb{R}^2 \), le plan cartésien.
La métrique euclidienne \( d \) est définie, pour deux points \( p = (p_1, p_2) \) et \( q = (q_1, q_2) \), par :
$$ d(p, q) = \sqrt{(p_1 - q_1)^2 + (p_2 - q_2)^2} $$
Cette formule exprime la distance euclidienne, autrement dit la plus courte distance en ligne droite entre les points \( p \) et \( q \) dans le plan.
Cette métrique satisfait rigoureusement les trois propriétés fondamentales :
- Non-négativité : La racine carrée d’une somme de carrés est toujours positive ou nulle, et vaut zéro uniquement lorsque \( p = q \).
- Symétrie : Puisque \( (p_1 - q_1)^2 = (q_1 - p_1)^2 \), il en résulte que \( d(p, q) = d(q, p) \).
- Inegalité triangulaire : Elle se vérifie aisément à l’aide du théorème de Pythagore et d’autres propriétés fondamentales de la géométrie classique.
Ainsi, l’espace \( (\mathbb{R}^2, d) \), où \( d \) est la distance euclidienne, constitue un exemple emblématique d’espace métrique.
La fonction de distance ou métrique
Que signifie exactement « fonction de distance » ?
Une métrique (ou fonction de distance) est une application \( d(x_1, x_2) \) vérifiant les conditions suivantes :
\( d(x_1, x_2) \geq 0 \)
\( d(x_1, x_2) = 0 \) si et seulement si \( x_1 = x_2 \)
\( d(x_1, x_2) = d(x_2, x_1) \)
\( d(x_1, x_2) \leq d(x_1, x_3) + d(x_3, x_2) \)
pour tout \( x_1, x_2, x_3 \in X \).
Types de distance
Il n’existe pas une unique manière de définir une distance : plusieurs métriques peuvent être considérées selon le contexte.
Distance euclidienne
$$ d_2(x, y) := \sqrt{ \sum{(x_i - y_i)^2 } } $$
C’est la plus classique, et elle constitue le fondement de la géométrie euclidienne.
Distance de Manhattan
Également appelée « distance en damier », elle modélise les déplacements dans un environnement quadrillé, comme celui de Manhattan, où seuls les mouvements horizontaux et verticaux sont autorisés.
$$ d_1(x_1, x_2) := \sum{ |x_i - y_i| } $$
Distance discrète
Dans cette métrique, deux points ont une distance égale à 1 s’ils sont distincts, et 0 s’ils coïncident.
$$ d(x, y) := \begin{cases} 0 \:\:\: si \: x = y \\ 1 \:\:\: si \: x \ne y \end{cases} $$
Distance induite par une norme
Une norme permet toujours de définir une fonction de distance.
Dans ce cas, on parle de distance induite par la norme.
$$ ||v|| := d(v, 0_V) $$
La norme d’un vecteur s’interprète comme sa distance à l’origine du repère.
Ainsi, tout espace vectoriel muni d’une norme est automatiquement un espace métrique.
Remarque : La réciproque n’est pas toujours vraie : une métrique ne provient pas nécessairement d’une norme.
Caractérisation d’une distance induite
On dit qu’une distance est induite par une norme si elle satisfait les propriétés suivantes :
\( d(v_1 + v_3, v_2 + v_3) = d(v_1, v_2) \)
\( d(k \cdot v_1, k \cdot v_2 ) = |k| \cdot d(v_1, v_2) \)
où \( v_1, v_2, v_3 \) sont des vecteurs d’un espace vectoriel \( V \), et \( k \in K \) est un scalaire.
Exemple
La norme euclidienne satisfait ces deux propriétés, ce qui montre qu’elle induit bien la distance euclidienne.
Considérons trois vecteurs \( v_1, v_2, v_3 \) dans \( \mathbb{R}^2 \) :
$$ v_1 = (6,8) \\ v_2 = (3,4) \\ v_3 = (3,0) $$
Leurs normes euclidiennes respectives sont :
$$ ||v_1||_2 = \sqrt{6^2 + 8^2} = \sqrt{100} = 10 $$ $$ ||v_2||_2 = \sqrt{3^2 + 4^2} = \sqrt{25} = 5 $$ $$ ||v_3||_2 = \sqrt{3^2 + 0^2} = \sqrt{9} = 3 $$
On en déduit leurs distances à l’origine :
$$ ||v_1||_2 = d(v_1, 0_v) = 10 $$ $$ ||v_2||_2 = d(v_2, 0_v) = 5 $$ $$ ||v_3||_2 = d(v_3, 0_v) = 3 $$
Selon la définition, on a bien \( ||v|| = d(v, 0_v) \) si les deux conditions suivantes sont vérifiées :
1] \( d(v_1 + v_3, v_2 + v_3) = d(v_1, v_2) \)
2] \( d(k \cdot v_1, k \cdot v_2) = |k| \cdot d(v_1, v_2) \)
Vérification de la première condition
$$ d(v_1 + v_3, v_2 + v_3) = d(v_1, v_2) $$ $$ d(10 + 3, 5 + 3) = d(10, 5) $$ $$ d(13, 8) = d(10, 5) $$
Calcul du premier membre :
$$ d(13, 8) = \sqrt{(13 - 8)^2} = \sqrt{25} = 5 $$
Et du second :
$$ d(10, 5) = \sqrt{(10 - 5)^2} = \sqrt{25} = 5 $$
Les deux membres étant égaux, la première propriété est bien respectée.
Vérification de la deuxième condition
$$ d(k \cdot v_1, k \cdot v_2) = |k| \cdot d(v_1, v_2) $$ $$ d(k \cdot 10, k \cdot 5) = |k| \cdot d(10, 5) $$
En prenant \( k = 2 \) :
$$ d(20, 10) = 2 \cdot d(10, 5) $$
On obtient :
$$ d(20, 10) = \sqrt{(20 - 10)^2} = \sqrt{100} = 10 $$
et
$$ 2 \cdot d(10, 5) = 2 \cdot 5 = 10 $$
On a bien :
$$ d(k \cdot 10, k \cdot 5) = |k| \cdot d(10, 5) = 10 \quad \text{avec } k = 2 $$
La seconde propriété est donc elle aussi vérifiée.
Conclusion : dans l’espace euclidien, la métrique est bien induite par la norme.
Remarques complémentaires
Voici quelques observations importantes concernant les espaces métriques :
- Ensemble borné dans un espace métrique
Soit \((X, d)\) un espace métrique. Un sous-ensemble \(A \subseteq X\) est dit borné s’il existe un réel \(\mu > 0\) et un point fixé \(x_0 \in X\) tels que : $$ d(x, x_0) \leq \mu \quad \text{pour tout } x \in A $$ Autrement dit, tous les points de \(A\) sont contenus dans une boule (ouverte ou fermée) de rayon fini centrée en \(x_0\).Dans la topologie induite par \(d\), le caractère borné d’un ensemble ne dépend ni de son ouverture ni de sa fermeture, mais uniquement des distances entre ses éléments.
- Métrique bornée
Si l’espace tout entier \(X\) est borné, on dit que la métrique \(d\) est bornée. - Théorème de la base pour la topologie induite par une métrique
Dans un espace métrique \((X, d)\), la famille des boules ouvertes $$ \mathcal{B} = \{B_d(x, \varepsilon) \mid x \in X, \varepsilon > 0\} $$ constitue une base de la topologie. - Théorème de continuité dans les espaces métriques
Une fonction \(f : X \to Y\) entre deux espaces métriques \((X, d_X)\) et \((Y, d_Y)\) est continue si, pour tout \(x \in X\) et tout \(\varepsilon > 0\), il existe un \(\delta > 0\) tel que : $$ d_X(x, x') < \delta \Rightarrow d_Y(f(x), f(x')) < \varepsilon $$ pour tout \(x' \in X\). - Tout espace métrique est un espace de Hausdorff
Tout espace métrique est nécessairement un espace de Hausdorff. Réciproquement, un espace topologique qui ne vérifie pas cette propriété ne peut pas être métrisable.Remarque : Un espace est dit de Hausdorff si, pour deux points distincts, il existe des ouverts disjoints contenant chacun l’un des deux.
Et ainsi de suite...