La transposée conjuguée d’une matrice

La transposée conjuguée $ A^{\dagger} = \overline{A^T} $ d’une matrice complexe \( A \) se construit en deux étapes simples :

  1. On calcule d’abord la transposée \( A^T \), en échangeant lignes et colonnes.
  2. On prend ensuite le conjugué complexe de chaque élément de la matrice $ \overline{A^T} $, ce qui inverse le signe de la partie imaginaire.

Dans la littérature mathématique, cette opération est aussi connue sous le nom d’adjointe hermitienne ou de conjuguée hermitienne.

La transposée conjuguée d’une matrice peut être notée de plusieurs manières équivalentes :

  • En mathématiques, on la représente le plus souvent par $ A^* $.
  • En physique et en mécanique quantique, on préfère la notation $ A^{\dagger} $, prononcée « A dagger ».

La transposée conjuguée joue un rôle central dans de nombreux domaines : elle intervient dans la définition des matrices unitaires \( U^{\dagger}U = I \) et des matrices hermitiennes \( H^{\dagger} = H \), deux notions fondamentales en algèbre linéaire, en physique quantique et en analyse fonctionnelle.

À ne pas confondre. La transposée conjuguée (ou adjointe hermitienne) n’a rien à voir avec la matrice adjointe classique, utilisée pour calculer l’inverse d’une matrice carrée : $$ A^{-1} = \frac{1}{\det(A)}\,\mathrm{adj}(A) $$ Ces deux concepts sont totalement distincts et ne doivent pas être mélangés.

Un exemple pas à pas

Considérons la matrice complexe suivante :

$$ U = \begin{pmatrix} i & 0 \\ 0 & 1 \end{pmatrix} $$

1. Calcul de la transposée.
$$ U^T = \begin{pmatrix} i & 0 \\ 0 & 1 \end{pmatrix} $$ Comme elle est diagonale, la matrice reste inchangée : tous les éléments non nuls sont déjà sur la diagonale principale.

2. Conjugaison des éléments complexes.

Rappel. Le conjugué complexe d’un nombre s’obtient en inversant le signe de sa partie imaginaire : $ \overline{a + bi} = a - bi $, et en particulier $ \overline{i} = -i $. Pour un nombre réel, rien ne change car sa partie imaginaire est nulle. Ainsi, si une matrice ne contient que des réels, sa transposée conjuguée est simplement sa transposée : $$ A^{\dagger} = A^T $$

Dans notre exemple, le seul élément complexe est \( i \), dont le conjugué est \( -i \) :

$$ U^{\dagger} = \begin{pmatrix} -i & 0 \\ 0 & 1 \end{pmatrix} $$

Nous venons donc d’obtenir la transposée conjuguée de \( U \).

Propriétés principales

La transposée conjuguée partage de nombreuses propriétés avec la transposée ordinaire, mais en intégrant la conjugaison complexe. Ces règles sont essentielles pour les calculs en algèbre linéaire sur les nombres complexes.

  • Appliquée deux fois, elle ne change rien
    En effectuant l’opération deux fois, on retrouve la matrice d’origine : $$ (A^{\dagger})^{\dagger} = A $$

    Exemple :
    $$ A = \begin{pmatrix} i & 1 \\ 0 & 2i \end{pmatrix} $$ $$ A^{\dagger} = \begin{pmatrix} -i & 0 \\ 1 & -2i \end{pmatrix} $$ $$ (A^{\dagger})^{\dagger} = \begin{pmatrix} i & 1 \\ 0 & 2i \end{pmatrix} = A $$ La seconde conjugaison annule la première, et on retrouve la matrice initiale.

  • Elle inverse l’ordre dans un produit
    Pour deux matrices \( A \) et \( B \) : $$ (AB)^{\dagger} = B^{\dagger} A^{\dagger} $$

    Exemple :
    $$ A = \begin{pmatrix} i & 0 \\ 0 & 1 \end{pmatrix}, \quad B = \begin{pmatrix} 1 & 1 \\ 0 & i \end{pmatrix} $$ $$ AB = \begin{pmatrix} i & i \\ 0 & i \end{pmatrix}, \quad (AB)^{\dagger} = \begin{pmatrix} -i & 0 \\ -i & -i \end{pmatrix} $$ En calculant séparément : $$ A^{\dagger} = \begin{pmatrix} -i & 0 \\ 0 & 1 \end{pmatrix}, \quad B^{\dagger} = \begin{pmatrix} 1 & 0 \\ 1 & -i \end{pmatrix} $$ $$ B^{\dagger}A^{\dagger} = \begin{pmatrix} -i & 0 \\ -i & -i \end{pmatrix}. $$ On retrouve bien : $$ (AB)^{\dagger} = B^{\dagger}A^{\dagger}. $$

  • Elle respecte la somme
    $$ (A + B)^{\dagger} = A^{\dagger} + B^{\dagger} $$

    Exemple :
    $$ A = \begin{pmatrix} i & 2 \\ 0 & 1 \end{pmatrix}, \quad B = \begin{pmatrix} 1 & i \\ 3i & 0 \end{pmatrix} $$ $$ A + B = \begin{pmatrix} 1 + i & 2 + i \\ 3i & 1 \end{pmatrix}, \quad (A + B)^{\dagger} = \begin{pmatrix} 1 - i & -3i \\ 2 - i & 1 \end{pmatrix} $$ En calculant séparément : $$ A^{\dagger} = \begin{pmatrix} -i & 0 \\ 2 & 1 \end{pmatrix}, \quad B^{\dagger} = \begin{pmatrix} 1 & -3i \\ -i & 0 \end{pmatrix} $$ $$ A^{\dagger} + B^{\dagger} = \begin{pmatrix} 1 - i & -3i \\ 2 - i & 1 \end{pmatrix}. $$ L’égalité est bien respectée.

  • Elle conjugue aussi le scalaire
    Pour tout nombre complexe \( c \) : $$ (cA)^{\dagger} = \overline{c}\,A^{\dagger} $$

    Exemple :
    $$ c = 2i, \quad A = \begin{pmatrix} 1 & i \\ 0 & 2 \end{pmatrix} $$ $$ cA = \begin{pmatrix} 2i & -2 \\ 0 & 4i \end{pmatrix}, \quad (cA)^{\dagger} = \begin{pmatrix} -2i & 0 \\ -2 & -4i \end{pmatrix} $$ Comme \( \overline{c} = -2i \), $$ \overline{c}\,A^{\dagger} = (-2i)\begin{pmatrix} 1 & 0 \\ -i & 2 \end{pmatrix} = \begin{pmatrix} -2i & 0 \\ -2 & -4i \end{pmatrix}. $$ On vérifie donc que $$ (cA)^{\dagger} = \overline{c}\,A^{\dagger}. $$

Ces propriétés font de la transposée conjuguée un outil incontournable en algèbre linéaire moderne. Elle est au cœur de l’étude des opérateurs linéaires sur les espaces vectoriels complexes, et ses applications s’étendent à la physique quantique, à l’optique, à la théorie de l’information et à bien d’autres disciplines scientifiques et techniques.

 


 

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Matrices (algèbre linéaire)