Logarithme d’une matrice
Si une matrice carrée \( A \) est diagonalisable, c’est-à-dire s’il existe une matrice inversible \( P \) et une matrice diagonale \( D \) telles que : \[ A = P D P^{-1} \] alors le logarithme de \( A \) se calcule par : \[ \log(A) = P \log(D) P^{-1} \] où \( \log(D) \) est une matrice diagonale obtenue en appliquant le logarithme aux valeurs propres de \( A \) placées sur la diagonale de \( D \).
Lorsque \( D \) est déjà diagonale, le calcul du logarithme matriciel se réduit à appliquer le logarithme scalaire à chaque élément de la diagonale.
Par exemple, si \( D = \begin{pmatrix} a & 0 \\ 0 & b \end{pmatrix} \), on obtient :
$$ \log(D) = \log \begin{pmatrix} a & 0 \\ 0 & b \end{pmatrix} = \begin{pmatrix} \log(a) & 0 \\ 0 & \log(b) \end{pmatrix} $$
De manière générale, calculer le logarithme d’une matrice consiste à trouver une matrice dont l’exponentielle reproduit la matrice de départ.
Étant donnée une matrice \( A \), son logarithme est une matrice \( B \) telle que : $$ e^B = A $$ où \( e^B \) désigne l’exponentielle matricielle de \( B \). Le logarithme matriciel n’est pas unique, car la fonction exponentielle n’est pas injective. Il peut donc exister plusieurs matrices \( B \) satisfaisant \( e^B = A \). On appelle logarithme principal la solution dont les valeurs propres ont une partie imaginaire comprise dans l’intervalle \([- \pi, \pi]\).
Conditions et méthodes de calcul
Le logarithme d’une matrice carrée \( A \) est bien défini sous certaines conditions :
- Inversibilité : la matrice \( A \) doit être inversible, c’est-à-dire de déterminant non nul.
- Spectre : toutes les valeurs propres de \( A \) doivent avoir une partie réelle positive pour assurer la cohérence de la définition.
Plusieurs méthodes permettent de calculer le logarithme d’une matrice, selon ses propriétés. Parmi les plus courantes :
- Diagonalisation
Adaptée lorsque \( A \) est diagonalisable et que ses valeurs propres ont une partie réelle positive. La procédure est la suivante :- Diagonaliser \( A \) : déterminer les valeurs et vecteurs propres afin de former les matrices \( P \) (matrice des vecteurs propres) et \( D \) (matrice diagonale des valeurs propres), de sorte que \( A = P D P^{-1} \).
- Calculer \( \log(D) \) : appliquer le logarithme aux éléments diagonaux de \( D \).
- Déduire \( \log(A) \) : par la relation \( \log(A) = P \log(D) P^{-1} \).
- Série de Taylor
Si \( A \) est proche de la matrice identité \( I \), on peut approximer son logarithme à l’aide du développement en série de Taylor : $$ \log(A) = (A - I) - \frac{(A - I)^2}{2} + \frac{(A - I)^3}{3} - \dots $$ Cette série converge lorsque \( \| A - I \| < 1 \). - Forme de Jordan
Si \( A \) n’est pas diagonalisable mais admet une forme canonique de Jordan, on utilise la décomposition \( A = P J P^{-1} \), avec \( J \) matrice de Jordan. Cette approche, plus technique, repose sur l’utilisation de polynômes matriciels.
Exemple
Considérons la matrice carrée suivante :
$$ A = \begin{pmatrix} 1 & 0 \\ 2 & 3 \end{pmatrix} $$
Comme \( A \) n’est pas diagonale, il faut commencer par la diagonaliser.
On calcule ses valeurs propres à partir de l’équation caractéristique :
$$ \det(A - \lambda I) = 0 $$
avec \( A - \lambda I = \begin{pmatrix} 1 - \lambda & 0 \\ 2 & 3 - \lambda \end{pmatrix} \).
Le déterminant vaut :
$$ \det(A - \lambda I) = (1 - \lambda)(3 - \lambda) $$
En annulant cette expression, on obtient :
$$ \lambda_1 = 1, \quad \lambda_2 = 3 $$
On détermine ensuite les vecteurs propres associés à chaque valeur propre.
- Pour \( \lambda_1 = 1 \) : résoudre le système \( (A - I)\mathbf{v} = 0 \).
- Pour \( \lambda_2 = 3 \) : même raisonnement avec \( \lambda = 3 \).
À partir des vecteurs propres, on construit les matrices :
$$ P = \begin{pmatrix} 1 & 0 \\ -1 & 1 \end{pmatrix}, \quad D = \begin{pmatrix} 1 & 0 \\ 0 & 3 \end{pmatrix} $$
de sorte que \( A = P D P^{-1} \).
On calcule alors le logarithme de \( A \) :
$$ \log(A) = P \log(D) P^{-1} $$
Comme \( D \) est diagonale, son logarithme est immédiat :
$$ \log(D) = \begin{pmatrix} \log(1) & 0 \\ 0 & \log(3) \end{pmatrix} = \begin{pmatrix} 0 & 0 \\ 0 & \log(3) \end{pmatrix} $$
D’où :
$$ \log(A) = P \begin{pmatrix} 0 & 0 \\ 0 & \log(3) \end{pmatrix} P^{-1} $$
En effectuant les multiplications, on obtient :
$$ \log(A) = \begin{pmatrix} 0 & 0 \\ \log(3) & \log(3) \end{pmatrix} $$
C’est donc le logarithme de la matrice \( A \).