Conservation de la saveur des quarks
En physique des particules, la saveur d’un quark (up, down, strange, etc.) se conserve toujours lors des interactions fortes et électromagnétiques, alors qu’elle peut se modifier dans les processus régis par l’interaction faible. Comme ces dernières se produisent beaucoup plus rarement et plus lentement que les interactions fortes, on parle de conservation approchée de la saveur.
C’est précisément cette quasi-conservation qui a conduit Murray Gell-Mann et d’autres physiciens à introduire le nombre quantique de étrangeté, parallèle aux autres saveurs de quarks (up, down, etc.). Cette notion permettait d’expliquer pourquoi les particules étranges apparaissent toujours en paires dans les interactions fortes - où l’étrangeté se conserve - tandis qu’elles se désintègrent isolément par interaction faible, où la conservation de la saveur n’est plus respectée.
Explication
Un hadron (baryon ou méson) est formé par une combinaison particulière de quarks.
Chaque type de quark est caractérisé par un nombre quantique appelé saveur :
- quark up (\(u\))
- quark down (\(d\))
- quark strange (\(s\))
- quark charm (\(c\))
- quark bottom (\(b\))
- quark top (\(t\))
La conservation ou la non-conservation de ces saveurs à un sommet d’interaction dépend de la force fondamentale mise en jeu.
A] Interaction forte et interaction électromagnétique
Dans les processus gouvernés par la force forte ou électromagnétique, la saveur des quarks reste inchangée : un quark ne peut pas se transformer en un autre.
Ainsi, lors d’une collision forte, l’étrangeté se conserve et les particules étranges apparaissent toujours en paires.
$$ \underset{S=0}{\pi^- (\bar{u}d)} + \underset{S=0}{p (uud)} \;\;\longrightarrow\;\; \underset{S=+1}{K^0 (d \color{red}{\bar{s}})} + \underset{S=-1}{\Lambda (ud \color{red}{s})} $$
Dans cet exemple, le nombre quantique d’étrangeté est nul aussi bien avant (côté gauche) qu’après la réaction (côté droit), car les deux quarks étranges se neutralisent mutuellement.
La conservation stricte de la saveur est donc une propriété caractéristique des interactions fortes et électromagnétiques.
B] Interaction faible
L’interaction faible, en revanche, permet le changement de saveur : un quark peut se transformer en un autre par émission ou absorption d’un boson \( W^\pm \).
Par exemple, dans certaines désintégrations faibles, un quark étrange (\(S=-1\)) se transforme en un quark up (\(S=0\)) en émettant un boson \( W^-\), qui à son tour se désintègre en un pion :
$$ \underset{S=-1}{\Lambda^0 (uds)} \;\;\longrightarrow\;\; \underset{S=0}{p (uud)} + \underset{S=0}{\pi^- (\bar{u}d)} $$
Ici, l’étrangeté n’est pas conservée : elle passe de \( -1 \) dans l’état initial à \( 0 \) dans l’état final.

La violation de l’étrangeté constitue l’une des signatures les plus remarquables de l’interaction faible.
Cette constatation a apporté une preuve décisive que la force faible est fondamentalement distincte de la force forte et de l’interaction électromagnétique.
Et ainsi de suite.