La Voie octuple
La Voie octuple est un schéma de classification des particules subatomiques qui regroupe baryons et mésons en familles aux propriétés communes, en s’appuyant sur deux nombres quantiques essentiels :
- la charge électrique $Q$
- l’étrangeté $S$, un nombre quantique qui traduit la présence de quarks étranges ou d’antiquarks dans la particule.
Ce modèle fut proposé en 1961 par Murray Gell-Mann et, indépendamment, par Yuval Ne’eman, à partir du groupe de symétrie mathématique SU(3).
La Voie octuple visait à mettre de l’ordre dans le fameux « zoo des particules » des années 1950 et 1960, une période où l’on avait identifié des dizaines de particules sans disposer d’un cadre théorique cohérent pour les organiser.
Ces regroupements sont généralement représentés par des figures géométriques régulières, comme des hexagones ou des triangles.
Exemple
Dans le cas des baryons, l’étrangeté $S$ est portée sur l’axe vertical, tandis que la charge électrique $Q$ se lit sur les axes diagonaux.
Cette organisation est connue sous le nom d’octet baryonique.

On parle d’« octet » car ce diagramme hexagonal rassemble huit baryons.
Note. Dans ce schéma, les baryons - particules de spin $ \frac{1}{2} $ composées de trois quarks - sont placés selon leur étrangeté ($S$, axe vertical) et leur charge électrique ($Q$, axe horizontal).
- En haut, pour $S = 0$, figurent le neutron $n$ (neutre, $Q = 0$) et le proton $p$ (charge positive, $Q = +1$).
- Pour $S = -1$, apparaissent les trois baryons $\Sigma$ ($\Sigma^{+}$, $\Sigma^{0}$, $\Sigma^{-}$), accompagnés du baryon $\Lambda$ ($Q = 0$).
- En bas, avec $S = -2$, se trouvent les baryons $\Xi$, chacun contenant deux quarks étranges $s$. Le $ \Xi^{-} = (d s s) $ porte une charge négative ($Q = -1$), tandis que le $ \Xi^{0} = (u s s) $ est neutre ($Q = 0$).
Un schéma hexagonal analogue est utilisé pour les mésons.
C’est l’octet des mésons :

Ici, la rangée supérieure correspond à $S = +1$ et la rangée inférieure à $S = -1$, soit l’ordre inverse de celui des baryons.
Note. Ce diagramme représente des mésons pseudoscalaires - particules constituées d’un quark et d’un antiquark - organisés en fonction de leur étrangeté ($S$, axe vertical) et de leur charge électrique ($Q$, axe horizontal).
- En haut, avec $S = +1$, se trouvent le kaon neutre $K^{0}$ ($Q = 0$) et le kaon positif $K^{+}$ ($Q = +1$).
- Pour $S = 0$, apparaissent les trois pions ($\pi^{-}$, $\pi^{0}$, $\pi^{+}$) ainsi que le méson $\eta$.
- En bas, avec $S = -1$, se situent le kaon négatif $K^{-}$ ($Q = -1$) et l’antikaon neutre $\overline{K}^{0}$ ($Q = 0$). Cette répartition illustre la symétrie de saveur $SU(3)$, qui regroupe ces mésons en un octet selon leurs nombres quantiques.
Ces regroupements ont joué un rôle décisif dans l’élaboration de la première classification systématique des particules étranges, en intégrant le nombre quantique d’« étrangeté » introduit dans les années 1950.
Le schéma permit même de prédire des particules encore inconnues - la plus célèbre étant le $ \Omega^- $ (charge $-1$, étrangeté $-3$), mis en évidence en 1964.
Cependant, le modèle présente aussi des limites.
Note. La symétrie n’est qu’approximative, et les masses des particules d’un même multiplet ne coïncident pas exactement. En outre, le modèle ne rend pas compte de l’origine des masses ni de la nature des interactions entre particules.
Malgré ces limites, il a constitué une avancée décisive dans la classification des particules et a ouvert la voie au modèle des quarks, où les baryons de l’octet et du décuplet s’interprètent comme des combinaisons de trois quarks ($u$, $d$, $s$).
Et au-delà.