Désintégration des particules
La désintégration des particules désigne le processus spontané par lequel une particule instable se transforme en d’autres particules plus légères et plus stables.
De manière générale, les particules tendent naturellement à évoluer vers des états de plus grande stabilité, sauf lorsqu’une loi de conservation interdit la transformation.
Cette évolution peut emprunter différents canaux de désintégration (forte, faible ou électromagnétique), chacun se caractérisant par une probabilité spécifique et par une échelle de temps propre.
Le phénomène repose sur deux principes fondamentaux :
- Tendance vers des états d’énergie plus basse
Une particule instable se désintègre vers une configuration de masse totale inférieure. Il s’agit d’un processus naturel de relaxation, comparable à la chute d’un objet soumis à la gravité.
Remarque. En mécanique classique, un objet instable finit par tomber jusqu’à atteindre l’équilibre. En chimie, un atome instable se réorganise pour atteindre un état plus stable. En physique des particules, la désintégration joue un rôle analogue : la particule se transforme spontanément en produits plus stables, avec une certaine probabilité et un temps de vie moyen caractéristique.
- Lois de conservation
Toute désintégration, même énergétiquement possible, n’est pas nécessairement permise. La transformation doit respecter les lois de conservation fondamentales : énergie et quantité de mouvement, charge électrique, nombre baryonique et leptonique, saveur des quarks (conservée dans les interactions forte et électromagnétique, mais pas toujours dans la faible), spin, parité, etc.
La désintégration n’est donc pas un processus aléatoire : elle suit des probabilités de transition bien définies et se mesure par le temps de vie moyen de la particule.
Il faut souligner que les particules véritablement stables sont extrêmement rares : la très grande majorité finit par se désintégrer.
En physique des particules, la désintégration est la règle ; la stabilité, l’exception.
Exemple. Un cas emblématique est celui du neutron libre. Hors du noyau atomique, le neutron est instable et se désintègre par interaction faible en un proton, un électron et un antineutrino électronique. Ce processus est connu sous le nom de désintégration bêta moins : $$ n \to p + e^- + \bar{\nu}_e $$ Ainsi, le neutron évolue vers un état de plus basse énergie et donc plus stable : le proton.

Pourquoi le proton est-il stable ? Le proton reste stable car il est le baryon le plus léger : il n’existe aucun baryon de masse inférieure dans lequel il pourrait se transformer sans violer la conservation du nombre baryonique. Une désintégration en particules non baryoniques enfreindrait cette conservation, respectée par toutes les interactions connues. C’est pourquoi dans le cadre du Modèle Standard, il est considéré comme stable. Certaines théories spéculatives prédisent toutefois un éventuel désintégration du proton sur des échelles de temps inconcevablement longues, mais aucune observation n’est venue l’étayer.
Canaux de désintégration
Une particule peut se désintégrer par différents canaux, selon l’interaction fondamentale qui gouverne le processus.
- Interaction forte
Responsable de la désintégration des résonances hadroniques, qui se transforment presque instantanément. C’est le canal le plus rapide, avec des durées typiques de l’ordre de $10^{-23}$ s. Par exemple, le baryon $\Delta^{++}$ se désintègre en un proton et un pion positif : $$ \Delta^{++} \to p^+ + \pi^- $$ - Interaction faible
Permet des processus qui modifient la saveur des quarks ou impliquent des leptons. C’est le canal le plus lent, avec des durées allant de $10^{-13}$ s à plusieurs minutes. Un exemple bien connu est celui du muon négatif $\mu^-$, qui se désintègre en un électron, un antineutrino électronique et un neutrino muonique : $$ \mu^- \to e^- + \bar{\nu}_e + \nu_{\mu} $$ - Interaction électromagnétique
Implique l’émission de photons et intervient lorsque la charge électrique ou les moments magnétiques jouent un rôle déterminant. Plus lente que les désintégrations fortes, elle présente des durées de vie de l’ordre de $10^{-16}$ s. Un exemple classique est le pion neutre $\pi^0$, qui se désintègre en deux photons : $$ \pi^0 \to \gamma + \gamma $$
Identification du canal de désintégration
Le canal peut souvent être identifié en observant les produits finaux :
La présence de photons révèle un processus électromagnétique. La détection de neutrinos indique une désintégration faible. En l’absence de photons et de neutrinos, il s’agit très probablement d’un processus fort.
Dans certains cas, cependant, plusieurs interactions peuvent conduire aux mêmes états initiaux et finaux, ce qui complique l’identification du mécanisme dominant.
Un critère efficace consiste à examiner les temps de vie, car chaque interaction se manifeste sur une échelle temporelle caractéristique :
- interaction forte ≈ $10^{-23}$ s
- interaction électromagnétique ≈ $10^{-16}$ s
- interaction faible $\gtrsim 10^{-13}$ s
Les désintégrations fortes sont extrêmement brèves. Les électromagnétiques sont déjà plus lentes de plusieurs ordres de grandeur, tandis que les faibles sont les plus longues, avec des durées allant de fractions de microseconde à plusieurs minutes, comme dans le cas du neutron.
Un autre critère est statistique : chaque canal de désintégration possède une probabilité d’occurrence, exprimée par les « branching ratios ».
Branching Ratios
Les « branching ratios » expriment la probabilité relative qu’une particule instable se désintègre par un canal ou par un autre.
En d’autres termes, une particule peut présenter plusieurs modes de désintégration possibles, chacun avec sa propre probabilité, la somme totale devant atteindre 100 %.
Formellement, le branching ratio d’un canal se définit par :
$$ BR_i = \frac{\Gamma_i}{\Gamma_{\text{tot}}} $$
où $\Gamma_i$ est la largeur partielle de désintégration de ce canal et $\Gamma_{\text{tot}}$ la largeur totale (l’inverse du temps de vie moyen).
Par exemple, la particule $\Delta^0$ se désintègre en un proton et un pion négatif : $$ \Delta^0 \;\to\; p + \pi^- $$ En théorie, cette désintégration pourrait résulter aussi bien d’une interaction forte que d’une interaction faible. En pratique, la $\Delta^0$ se désintègre presque exclusivement par interaction forte, avec un temps de vie de l’ordre de $10^{-23}$ s. Le canal faible, médié par un boson $W^-$, est certes possible mais tellement supprimé qu’il est inobservable : le canal fort domine totalement.
Durée de vie moyenne d’une particule
La durée de vie moyenne d’une particule dépend non seulement de l’interaction qui provoque sa désintégration (forte, électromagnétique ou faible), mais aussi de la différence de masse entre l’état initial et les produits finaux.
- Si la différence de masse est importante, la désintégration est rapide, car davantage d’énergie est disponible et plus d’états finaux sont accessibles.
- Si la différence de masse est faible, le processus est ralenti : la particule ne peut se désintégrer qu’à un rythme plus lent.
La durée de vie moyenne est donc déterminée à la fois par l’interaction en jeu et par l’écart de masse.
Cette règle se vérifie en général, à quelques exceptions près.
Exemple. Un neutron libre a une masse légèrement supérieure à celle d’un proton plus un électron. Par conséquent, la désintégration bêta moins possède une durée de vie inhabituellement longue - environ 15 minutes - comparée à l’échelle typique de l’interaction faible, de l’ordre de $\sim 10^{-13}$ s : $$ n \;\to\; p + e^- + \bar{\nu}_e $$ À l’inverse, les résonances $\Delta$ présentent un écart de masse considérable avec leurs produits de désintégration (un nucléon plus un pion) et se désintègrent donc quasi instantanément par interaction forte, avec des durées caractéristiques de l’ordre de $10^{-23}$ s : $$ \Delta^0 \;\to\; p + \pi^- $$
Et ainsi de suite.