Mésons

Les mésons sont des particules subatomiques composées d’un nombre égal de quarks et d’antiquarks - le plus souvent une simple paire $q\bar{q}$ - liés par l’interaction forte.

Ils ne sont pas élémentaires mais composites, et appartiennent à la famille des hadrons, aux côtés des baryons.

Dotés d’un spin entier (0 ou 1), les mésons sont des bosons et obéissent à la statistique de Bose-Einstein.

Un méson se forme à partir de :

  • un quark (par exemple : $u$, $d$, $s$, $c$, $b$, $t$)
  • un antiquark (par exemple : $\bar{u}$, $\bar{d}$, $\bar{s}$, $\bar{c}$, $\bar{b}$, $\bar{t}$)

Le quark et l’antiquark peuvent être de même saveur (par exemple $c\bar{c}$) ou de saveurs différentes (par exemple $u\bar{d}$).

Exemples : le méson $\pi^+$ est formé d’un quark $u$ et d’un antiquark $\bar{d}$ ; le méson $K^0$ contient un quark $d$ et un antiquark $\bar{s}$ ; le méson $J/\psi$ associe un quark $c$ (charm) et un antiquark $\bar{c}$.

En principe, on pourrait envisager des systèmes plus complexes de quarks et d’antiquarks (comme $cc\bar{c}\bar{c}$), mais par convention on réserve le terme « méson » aux états simples de type $q\bar{q}$.

Les états à quatre quarks (tétraquarks) sont généralement classés comme « exotiques ».

illustration of a meson

Les mésons sont instables et se désintègrent rapidement en d’autres particules - photons, électrons, muons ou neutrinos - selon leur nature.

Les plus légers vivent un peu plus longtemps et se détectent plus aisément, notamment dans les rayons cosmiques.

Ainsi, le pion neutre $\pi^0$ se désintègre en deux photons $\gamma$, tandis que le kaon chargé $K^+$ peut donner un muon $\mu^+$ et un neutrino $\nu_\mu$.

Pourquoi « méson » ?

Le terme « méson » vient du grec « mesos », signifiant « intermédiaire ». On l’adopta parce qu’on pensait à l’époque que leurs masses se situaient entre celle de l’électron, plus léger, et celle du proton, plus lourd.

Note. En 1935, le physicien japonais Hideki Yukawa postula l’existence d’une particule médiatrice de l’interaction forte : un méson de masse intermédiaire, entre l’électron et le proton. En 1947, le premier méson fut identifié expérimentalement : le pion $\pi$.

Aujourd’hui, la masse ne constitue plus un critère suffisant pour définir un méson, même si le terme a été conservé par tradition historique.

On connaît désormais de nombreux mésons plus massifs que le proton.

De même, certaines particules - comme les leptons lourds (muon et tau) - possèdent une masse comprise entre celles de l’électron et du proton, mais ne sont pas des mésons puisqu’elles ne sont pas faites de quarks.

En résumé, tous les mésons n’ont pas une masse « intermédiaire » entre l’électron et le proton, et toutes les particules dans cet intervalle de masse ne sont pas des mésons.

Rôle des mésons dans les interactions fondamentales

Bien qu’ils soient composites, les mésons peuvent - à certaines échelles - se comporter comme des vecteurs effectifs de l’interaction forte entre protons et neutrons au sein des noyaux.

Les mésons les plus légers, en particulier les pions ($\pi^+$, $\pi^-$, $\pi^0$), jouent un rôle déterminant dans les interactions nucléaires.

Mésons légers et force nucléaire résiduelle

Les pions sont responsables de la force nucléaire résiduelle, qui maintient ensemble les nucléons (protons et neutrons) dans le noyau.

Cette force agit à des distances extrêmement courtes - de l’ordre du femtomètre - et correspond en réalité à un reliquat de l’interaction forte qui lie les quarks au sein des nucléons.

Par exemple, deux protons - qui devraient normalement se repousser par interaction électrostatique - demeurent liés dans le noyau grâce à l’échange continu de pions.

Trois interactions en jeu : forte, faible et électromagnétique

Parce qu’ils sont constitués de quarks, les mésons participent aux trois interactions fondamentales concernant les particules massives :

  • Interaction forte : c’est elle qui assure la cohésion des quarks par l’intermédiaire des gluons. Les mésons apparaissent dans les collisions, les désintégrations et les expériences de haute énergie.
  • Interaction faible : les mésons se désintègrent via cette interaction. Par exemple, $\pi^+ \to \mu^+ + \nu_\mu$ correspond à la transformation d’un pion en muon et neutrino.
  • Interaction électromagnétique : les mésons chargés (comme $\pi^+$ ou $K^-$) réagissent aux champs électromagnétiques, se courbant dans un champ magnétique ou émettant un rayonnement lorsqu’ils sont accélérés.

Les mésons occupent une place particulière dans l’architecture de la matière, en faisant le lien entre nucléons et quarks.

Ils ne sont pas des constituants stables comme le proton ou l’électron, mais représentent les systèmes composites les plus simples illustrant de manière claire la dynamique quantique de l’interaction forte.

Ils sont indispensables pour comprendre la stabilité des noyaux, les mécanismes de transmutation et les relations entre la matière et les forces fondamentales.

Mésons représentatifs

Voici quelques-uns des mésons les plus étudiés, avec un résumé de leurs principales caractéristiques.

Méson Composition Spin Caractéristiques
Pion \( \pi^+ \) \( u\overline{d} \) 0 Le plus léger des mésons ; intervient dans de nombreux processus nucléaires
Pion \( \pi^- \) \( d\overline{u} \) 0 Produit dans les rayons cosmiques et les collisions à haute énergie
Pion \( \pi^0 \) \( \frac{1}{\sqrt{2}} (u\overline{u} - d\overline{d}) \) 0 Méson neutre ; se désintègre très rapidement en deux photons
Kaon \( K^+ \) \( u\overline{s} \) 0 Crucial pour l’étude de la violation de la symétrie CP
Kaon \( K^- \) \( s\overline{u} \) 0 Se désintègre par interaction faible
Kaon \( K^0 \) \( d\overline{s} \) 0 À l’origine des oscillations \( K^0 \) / \( \overline{K}^0 \)
J/psi \( c\overline{c} \) 1 Découvert en 1974 ; se distingue par une durée de vie exceptionnellement longue
Méson D \( c\overline{d} \) ou \( c\overline{u} \) 0 Contient un quark charm ; précieux pour l’étude de l’interaction faible
Méson B \( b\overline{u} \), \( b\overline{d} \), etc. 0 ou 1 Fondamental pour tester la violation de symétries fondamentales

Histoire

Dans les premiers modèles atomiques, on ne savait pas clairement ce qui maintenait le noyau cohérent et l’empêchait de se désintégrer. En effet, les protons, tous porteurs d’une charge positive, auraient dû se repousser violemment sous l’effet de l’interaction électrostatique.

diagram showing the atom’s structure and its subatomic particles

Pour expliquer la stabilité des noyaux, les physiciens postulèrent donc l’existence d’une force bien plus puissante, capable de surmonter la répulsion électrique.

Cette force reçut le nom d’interaction forte.

Pourquoi ne la percevons-nous pas ?

Malgré son intensité colossale, l’interaction forte n’agit qu’à des distances extrêmement réduites, comparables à la taille d’un noyau atomique.

C’est pourquoi nous ne l’éprouvons pas dans la vie quotidienne : la quasi-totalité des forces que nous rencontrons - des réactions chimiques aux phénomènes mécaniques - relèvent de l’électromagnétisme, la gravitation étant la seule autre force omniprésente.

La théorie de Yukawa (1934)

En 1934, le physicien japonais Hideki Yukawa proposa que la force forte entre nucléons devait être transmise par une particule, à l’image du photon qui assure la médiation de l’interaction électromagnétique.

Pour expliquer la portée limitée de cette interaction, Yukawa déduisit que cette particule devait posséder une masse environ 300 fois supérieure à celle de l’électron, soit approximativement un sixième de la masse du proton.

La naissance du méson

Comme la masse prédite se situait entre celle de l’électron et du proton, on baptisa cette nouvelle particule méson, du grec « mesos », qui signifie « intermédiaire ».

À cette époque, les électrons étaient déjà classés parmi les leptons (« légers »), tandis que protons et neutrons étaient regroupés sous le nom de baryons (« lourds »).

Rayons cosmiques et découverte du muon

En 1937, deux équipes - l’une dirigée par Anderson et Neddermeyer, l’autre par Street et Stevenson - détectèrent dans les rayons cosmiques des particules de masse intermédiaire. Elles semblaient correspondre au méson prédit par Yukawa.

Pendant un temps, on crut avoir enfin identifié la particule recherchée.

Cependant, leur masse différait légèrement des prévisions, leur durée de vie ne concordait pas, et elles manifestaient à peine d’interaction avec les noyaux - autant d’indices laissant penser qu’il ne s’agissait pas du médiateur de l’interaction forte.

En 1947, l’équipe de Cecil Powell à Bristol, s’appuyant sur les travaux théoriques de Marshak, démontra que cette « particule mystérieuse » correspondait en réalité à deux espèces distinctes :

  • Le pion (π) : la particule prédite par Yukawa, qui interagit fortement avec les nucléons.
  • Le muon (μ) : plus léger, insensible à l’interaction forte et analogue à un électron massif.

Les pions se forment dans la haute atmosphère, mais se désintègrent très rapidement.

L’un de leurs produits de désintégration, le muon, possède une durée de vie bien plus longue et peut atteindre la surface terrestre, ce qui en fait la particule la plus abondamment détectée des rayons cosmiques en laboratoire.

Bien qu’il ait d’abord été classé parmi les mésons en raison de sa masse, le muon ne participe pas à l’interaction forte.

Aujourd’hui, il est reconnu comme un lepton et non comme un méson.

Ainsi se poursuivit l’histoire, toujours plus riche, de l’interaction forte…

 

 


 

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